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Parfois, lorsque je vais me coucher, je ne peux m'empêcher de penser à toi. Je repense à nos souvenirs ensembles mais surtout à ceux qui sont heureux, un sourire se dessine parfois sur ma gueule avant que je ne réalise que tout ça n'est plus qu'un lointain souvenir. Il s'enfuit alors, quittant mon visage crème pour me quitter tout simplement. Tu n'es plus là et chaque souvenir en devient douloureux. C'est alors que je ferme les yeux et une larme roule doucement de mon œil jusqu'à terminer sa course sur le sol en ayant parcourut ma joue. Si tu savais à quel point tu me manques, à quel point chaque minute passée sans toi est insoutenable.
Pourquoi es-tu partie si loin ? Pourquoi dois-je vivre sans toi... ?
Lorsque je me réveille après cette nuit sans cauchemar, je me sens comme embrouillée, comme encore plongée dans cette torpeur qui m'accompagne à chaque fois. Je regarde ce qui m'entoure et l'angoisse redescend peu à peu, je n'aime pas me retrouver seule, surtout quand je m'endors de cette manière. Pourtant je ne dois pas me laisser abattre, je dois montrer le meilleur de moi-même pour pouvoir aider les autres. Aider et faire bonne figure pour que personne ne s'inquiète, après tout ils se reposent tous sur ma capacité à pouvoir soigner tous leurs maux.
Shime était rentrée d'une longue session d'entrainement avec d'autres loups de la meute et j'appréciai pouvoir l'aider en lui faisant un check-up complet. Je lui avais donné rendez-vous devant ma tanière alors je m'étire pour être prête à la recevoir. Je fais le tour de mes quelques plantes et j'estime que tout est bon pour le moment en cas de besoin. Lorsque je l'entends arriver, je lui adresse un sourire chaleureux et je quitte ma tanière en trottinant.
« Shime ! Je suis contente de te voir ! Comment s'est passé ta session ? »
J'arrivais à sa hauteur et je me décidais à lui faire comprendre que j'étais heureuse de la voir en frottant ma joue contre la sienne, puis je me recule.
Je m'étais levée tôt ce matin. Cekan nous avait donné rendez-vous pour un de ses fameux entrainements favoris. Une longue session d'entrainement tous ensemble, à s'affronter les uns les autres pour perfectionner nos attaques et nos défenses ainsi que nos techniques de combat. L'avantage était qu'on était mélangé avec des panthères donc chacun pouvait apporter à l'autre.
J'étais arrivée avec lui, avec un petit repas rapide, rien de très lourd pour ne pas être dérangée pendant l'entrainement. Puis, j'avais rejoint les rangs des autres membres de l'Ouragan. Dans ces moments, je n'étais plus sa compagne mais une Combattante à part entière. Il ne faisait pas de différence avec les autres et je trouvais ça admirable de sa part. Imperturbable, comme je l'aimais...
Comme pour chaque session d'entrainement qu'il nous préparait, j'en ressortais épuisée. Epuisée, mais très satisfaite de ce qu'on avait fait. On avait des Combattants très doués et qui ne cessaient de s'améliorer. Je les félicitais avant de me diriger vers la tanière de ma meilleure amie. Car, comme pour chaque session, elle me demandait de passer pour me faire un check-up complet. Je savais que ça lui faisait plaisir de pouvoir m'aider. Et moi, j'étais heureuse de pouvoir la voir et passer du temps avec elle.
Elle m'entendit arriver et sortit de sa tanière pour me rejoindre. Je lui rendis son petit câlin avant de lui répondre. J'aimais ces petits moments rien qu'à nous. On n'en avait plus assez à mon goût mais chacune avait ses responsabilités.
"Suzuki ! Moi aussi je suis contente de te voir. Oh tu sais, la routine. Je suis fatiguée et je dois avoir quelques égratignures par ci par là. Nos Combattants sont de plus en plus doués, ça fait plaisir à voir."
Je la suivis ensuite à l'intérieur de sa tanière pour pouvoir continuer tranquillement notre conversation.
Le temps est infini tout comme la souffrance est éternelle. Immuable et sans fin, la destinée de chaque être vivant semble toute tracée mais pourtant nos actions peuvent changer la vie que nous menons. Est-ce que je crois au destin ? Bien sûr que non puisqu'il m'a privé de toi. Je préfère croire que se sont mes actions qui ont causé ta perte plutôt que de tout remettre sur toi. Tu as choisi de partir et j'aurai du t'en empêcher, te retenir pour que tu restes auprès de moi.
Mais je n'ai pas pu. J'ai été faible ce jour là. Si tu savais comme je regrette.
Tu me disais que chaque être possède sa propre faiblesse mais en avais-tu une seule ? Avais-tu conscience de ta propre perte ? Savais-tu que ta faiblesse était d'être toi-même ? Trop gentille, trop bonne, trop altruiste. Comment pouvait-on être trop quelque chose ? Comment peut-on décemment te reprocher d'avoir été trop une mère. On ne peut pas, personne ne le peut. Je suis certaine que chaque seconde serait refaite à l'identique si tu pouvais revenir sur cette terre, tu n'en changerais aucune et ce peu importe le prix. Tu aimais tellement rendre service, tu aimais tellement te plier en deux pour aider et c'est pour cette raison que je ne pouvais choisir un autre rôle que celui de guérisseuse.
Je regardais ma meilleure amie sans réellement savoir ce que j'attendais pour aller lui chercher de quoi lui faire du bien. Elle avait du faire un entrainement assez rude, son compagnon ne lui faisait généralement pas de cadeau.
« Je vois que Cekan ne t'a encore pas ménagé pour cet entrainement. Je dois bien avoir quelque chose pour t'aider à cicatriser plus vite. »
Je pars rapidement dans mes réserves à la recherche d'une lavande qui lui fera du bien car elle sert à décontracter les muscles endoloris. J'apprécie vraiment qu'elle vienne me voir après chaque session, j'ai l'impression de l'aider un peu dans son dur labeur.
« Alors dis moi, qu'est-ce que vous avez travaillé aujourd'hui ? »
J'étais réellement curieuse car pour moi les batailles étaient une chose lointaine et surtout je n'avais pas à m'en préoccuper directement donc mes entrainements n'étaient pas les mêmes que les combattants. Je lui adressais un petit sourire alors que je prononçais la phrase qui suivit.
« Et avec Cekan, comment ça avance ? »
Si elle avait été en train de boire elle aurait recraché toute l'eau qu'elle avait dans la gueule mais ça me faisait rire. Je m'approche d'elle et je lui fais mâcher de la lavande en désignant l'eau du bout du museau, il lui faudrait en prendre un peu dans la gueule pour éviter de s'étouffer avec la sécheresse de la plante.
Elle avait l'air de s'être perdue dans ses pensées quelques instants. Un éclat de tristesse voila un instant mon regard. Je me doutais un peu de ce qui lui arrivait. Mais elle se reprit bien vite et je ne dis rien. Ce n'était pas un sujet que l'on abordait souvent. En fait, je crois qu'on en avait jamais parlé. Mais parfois, les mots ne servaient à rien. Et il me suffisait souvent d'un regard pour la comprendre. Malgré mes entrainements intensifs et ma vie avec Cekan, je faisais en sorte d'être toujours là pour elle.
"Pourquoi le ferait-il ? Dans ces moments, je ne suis qu'une Combattante parmi les autres. Je ne veux pas de traitement de faveur."
S'il y avait bien une chose que je n'aimerai pas qu'il fasse, ce serait de me traiter différemment des autres parce que j'étais sa compagne. Mais il n'avait jamais été très démonstratif, alors l'idée qu'il le fasse ne m'avait jamais effleuré l'esprit. Et même si j'aimerai avoir parfois plus d'attention, j'étais patiente et je le faisais pour nous deux pour le moment.
"On a travaillé sur les esquives et aider les plus jeunes à perfectionner leurs techniques. On a aussi terminé par quelques petits combats comme d'habitude, d'où les quelques égratignures. On ne fait pas semblant quand on s'y met."
Un petit sourire étira mes babines. Je ressentais toujours la même adrénaline quand on s'entrainait. Le sang bouillonnait dans mes veines et j'adorais ça. Et même si ce n'étaient que des entrainements, on se donnait à fond pour connaitre nos réelles capacités. Sinon, le jour d'un vrai combat, nous serions bien incapables de nous battre correctement.
Je manquais de m'étouffer avec ma salive quand elle me posa sa dernière question. Heureusement que je n'étais pas en train de boire. J'entrepris de mâcher la lavande et de boire avant de lui répondre, laissant planer un certain silence dans la tanière de ma meilleure amie. Je soufflais légèrement.
"C'est... une bonne question. Je ne sais même pas si j'ai une réelle réponse à t'apporter. Il a encore un peu de mal avec les démonstrations d'affection alors je n'ose même pas parler de petits. Mais on a le temps, n'est-ce pas ?"
J'aimais ce loup de tout mon cœur. Et je savais que je pouvais attendre pour lui mais je mentirai si je disais que je n'avais jamais penser au bonheur d'avoir des petits et à la peur de ne jamais en avoir.
J'aimerai tellement que tu la vois cette âme qui m'aide à avancer et à surmonter toutes les épreuves de la vie. En particulier cette épreuve que ton absence de présente et elle a toujours été à mes côtés, aussi bien avant que maintenant. Si tu la voyais tu l'aimerais autant que moi j'en suis certaine et de toute façon tu n'aurais pas le choix, je te connais ! J'espère que tu me vois de là où tu te trouves et que j'arrive à te rendre fière.
Je l'écoute avec attention et je sais qu'elle aime qu'il la traite comme les autres et je la comprends. J'approuve en hochant la tête, je suis tout à fait d'accord et je lui fais savoir. Je veux profiter du temps qu'il me reste avec elle pour aujourd'hui et j'ai tellement de choses à discuter avec elle !
« Je comprends qu'il ne le fasse pas et honnêtement je n'aimerai pas non plus qu'il te traite comme une faible car tu es loin de l'être. »
Je ne pouvais pas supporter l'idée qu'il puisse ne serait-ce qu'envisager de la traiter comme une faible et heureusement il n'était pas de ceux là car sinon il n'aurait jamais eu ma bénédiction même s'il ne l'attendait pas. Je suis contente de comment il se comporte avec elle mais j'aimerai qu'il lui montre un peu plus l'intérêt qu'il ressent pour elle.
« La prochaine fois je viendrai vous voir si tu me le permets. Je veux voir de quoi ma meilleure amie est capable ! »
Je lui lançais la dernière phrase comme pour la titiller un peu, elle le prendrait sûrement comme une blague et je n'attendais que ça ! Notre amitié était si importante pour moi que je savais que je pouvais rigoler de tout avec elle. Tout était naturel, à commencer par nos conversations qui me paraissaient toujours trop courtes mais j'essayais d'en avoir un maximum dés que je le pouvais.
« Il est vrai que d'aussi loin que je m'en souvienne il n'a jamais été très démonstratif avec personne, peut-être que le temps qu'il passera avec toi le changera un peu. »
Je lui souhaitais vraiment le meilleur et je savais que cela passait par la reconnaissance et l'épanouissement qu'il pouvait lui apporter. Il saurait le faire mais il aurait besoin de temps et si jamais il ne voyait pas assez clair et que le temps devient compté, j'irai l'aider un peu parce que le bonheur de ma meilleure amie passe avant tout.
« Il faut que je te parle de quelque chose, est-ce que tu pourrais t'assoir ? Je veux que tu sois la première à l'apprendre. »
Elle devait être la première à entendre parler de ma rencontre avec Drakk car j'allais tout faire pour qu'il puisse nous rejoindre, lui et toute sa famille. J'étais convaincue que si une louve pouvait comprendre ce que je ressentais c'est bien elle. Alors j'avais confiance en elle, je lui dirai tout dans les moindre détails si c'est ce qu'elle souhaite.
Suzuki avait beau ne pas être une Combattante, elle avait l'air de comprendre mon sentiment et de le partager. Elle m'avait toujours soutenue, dans n'importe laquelle de mes décisions. Elle m'avait même poussé vers Cekan à l'époque où je n'osais pas lui dire ce que je ressentais. Je glissai un instant ma tête affectueusement contre la sienne.
"Je te remercie, c'est gentil."
Elle avait toujours été là pour moi, je savais que je pouvais compter sur elle, quoi qu'il arrive. Je tournais la tête sur le côté à sa demande. Puis, j'éclatais de rire.
"Tu sais bien que tu seras toujours la bienvenue voyons. Mais... Tu risques d'avoir peur de moi après..."
Je restais un instant sérieuse avant de rire à nouveau. Même si j'étais différente quand je combattais, je savais qu'elle ne me verrait pas différemment. Elle me connaissait. Et j'étais certaine qu'elle savait aussi que je serais comme ça si je devais un jour la protéger. Impitoyable envers l'ennemi.
"J'espère que tu as raison. Je ne veux pas le changer, je l'aime comme il est, mais... Mais quelques marques d'affection de temps en temps me feraient du bien."
Mes oreilles se plaquèrent un instant en arrière alors que je la regardais inquiète.
"Tu me fais peur. Rien de grave, j'espère ?"
La bonheur et la santé de ma meilleure amie étaient des choses très importantes pour moi. Alors s'il se passait quelque chose, je ferais tout pour l'aider. Je m'assis, entourant mes pattes de ma queue et attendit patiemment qu'elle me raconte ce qu'elle voulait me dire.
Le monde pourrait s'écrouler que je sais qu'elle serait toujours là pour m'aider à me relever et à avancer. Je remercie chaque jour le ciel de l'avoir amené dans ma vie, elle est si importante à mes yeux que si on me demandait de choisir entre elle et ma vie je lui donnerai tout sans hésiter. Si j'avais pu le faire pour toi ça aurait été tout autant ma décision, je veux pouvoir me racheter si un jour j'en ai l'occasion, mais je sais que je ne pourrai jamais rendre tout ce qu'elle me donne.
Elle me lança comme un défi, celui de venir la voir à un entrainement mais j'étais déjà résolue à le faire avant qu'elle ne le dise. Elle rigola à gorge déployée et je me détendis totalement, j'adorais vraiment notre relation, nous pouvions parler de tout, rigoler de tout et on pouvait se confier l'une à l'autre et ça, ça n'a pas de prix.
« Oh excusez moi, j'ignorais qu'un monstre sommeillait à l'intérieur de ma meilleure amie, dois-je prendre des dispositions ? »
Un air faussement sérieux se dessina sur mon visage, puis je pris un air encore plus tragique en faisant semblant d'être prise pour cible par un guerrier invisible. Je repris le fil de la conversation après avoir fait ma démonstration de comédienne.
« Il a intérêt à se bouger, sinon je devrai aller le voir ! »
Elle savait que je n'irai pas le voir et que je ne m'immiscerait pas dans leur couple mais je ne voulais que le meilleur pour elle et cela passait par sa relation avec Cekan.
« J'ai rencontré quelqu'un. Un loup qui fait parti d'une autre meute mais il n'est pas heureux là bas. Je sais qu'il a besoin de moi et que j'ai besoin de lui. »
Je la regardais et lui souriant, c'était dur pour moi de la regarder en face car j'avais l'impression d'avoir trahi ma meute en le rencontrant puisqu'il faisait parti du Blizzard.
Aussi loin que je m'en souvienne, Suzuki et moi étions amies. Meilleures amies. Elle était un peu plus âgée que moi mais on s'entendait comme des sœurs. Elle m'avait prise sous son aile et plus je grandissais, plus je prenais soin d'elle à mon tour. J'avais toujours été là pour elle et inversement. Nous deux, c'était à la vie, à la mort. Depuis que j'étais devenue une Combattante à part entière de la meute Ouragan, je faisais encore plus attention à elle et à sa sécurité. Je ne voulais pas que quoi que soit lui arrive.
Mais nos discussions étaient bien souvent légères et je chérissais ces bons moments passés ensemble. Elle était ma bouffée d'air frais. Quand j'étais avec elle, je me sentais calme et posée. Alors que le reste du temps, j'étais plutôt sous tension avec les entrainements et les possibles dangers. Bien sûr, je ne comptais pas là dedans les moments que je passais avec Cekan qui me rendait évidemment très heureuse.
"Prends surtout des plantes pour me soigner quand je me serais faite écraser par Cekan."
Un nouveau rire m'échappa en voyant son air tragique. Je faisais la fière mais je n'étais pas invincible et je le savais. Il était plus fort que moi, il avait été mon mentor. Et l'heure où l'élève dépassera le maitre n'était pas encore arrivée. Mais je m'entrainais un peu plus chaque jour pour arriver à sa hauteur.
J'adorais la complicité que je partageais avec Suzuki. Elle n'avait pas de prix. Je savais en revanche qu'elle n'irait pas réellement voir Cekan. Et puis, même s'il s'était un peu adouci avec le temps, ça restait Cekan. Je ne voudrais pas qu'il s'énerve contre ma meilleure amie sur un sujet dont lui et moi devions parler entre nous.
"T'inquiète pas, je vais m'en occuper. Quand je le verrais."
En ce moment, j'avais surtout l'impression qu'on se croisait. Pendant les entrainements ou pendant la journée. On se retrouvait le soir dans notre tanière, mais nous étions si fatigués à chaque fois qu'on ne discutait jamais longtemps.
Je finis par m'assoir, inquiète pour ma meilleure amie. Elle avait quelque chose d'important à me dire et j'espérais vraiment que ce n'était rien de grave et qu'elle n'était pas en danger. Ma bouche s'ouvrit et se ferma. La nouvelle qu'elle m'annonçait était à la fois merveilleuse et problématique. Elle semblait heureuse d'avoir rencontré ce loup. Mais il faisait partie d'une autre meute.
"Je vois. Je suis contente de voir que tu retrouves le sourire en parlant de lui mais il va falloir faire attention Suzu car c'est une situation délicate. Tu dis qu'il n'est pas heureux. Il aimerait quitter cette meute ? Et d'ailleurs, de quelle meute s'agit-il ? Comment vous vous êtes rencontrés ? Pardon, je suis curieuse. Ne me raconte que ce que tu veux me raconter."
Ma queue remuait légèrement. J'étais vraiment contente pour elle. Mais tout ce qui m'importait, c'était de la savoir saine et sauve. Et pour ça, j'étais prête à tout. Je serais même prête à l'aider à le faire venir et à faire en sorte qu'il ne leur arrive rien si elle me le demandait.
Elle avait toujours été là, même lorsque toi tu étais partie sans me dire au revoir. Sans penser une seule seconde que je pourrai me sentir rejetée et abandonnée sans toi. Oui, tu étais partie sans demander ton reste, ne pensant qu'à ce que ton cerveau te disait de faire, mais qu'en aurait-il été si tu avais décidé d'écouter ton cœur à la place ? Aurais-tu accepté de rester et de vivre avec ce poids sur ta conscience ? Non je ne le pense pas, tu ne pouvais être comme ça, tu étais trop bonne avec ceux qui t'entouraient pour laisser périr un autre loup.
Heureusement qu'elle avait été là pour te "remplacer" qu'elle avait su combler un peu le vide immense que tu avais creusé dans mon âme. Si elle n'avait pas été là j'aurai sûrement décidé de te suivre pour ne pas me retrouver seule dans ce monde inconscient et froid.
Elle méritait tout mon amour, toute ma considération, mais surtout elle méritait que son compagnon en prenne soin. Qu'il l'aime de toute son âme et qu'elle ne finisse jamais dans le besoin. Elle était si précieuse à mes yeux qu'elle ne pouvait pas mal finir, j'avais fait un serment silencieux au fond de moi : il était hors de question qu'il la délaisse, c'est pourquoi j'étais toujours là pour la conseiller au besoin.
Ta chaleur me manque, maman.
Ta présence aussi. Mais j'ai pris l'habitude de ne pas m'apitoyer sur mon sort, je pense à tout ceux qui ont besoin de soin et j'oublie durant l'espace d'un instant que je souffre aussi en silence.
La voix qui m'appelait à chaque fois que je me sentais perdue n'était plus la tienne, elle n'était pas celle de mon esprit qui me hurlait de te rejoindre, non, elle était celle de ma meilleure amie qui me retenait lorsque j'étais prête à plonger dans les eaux glacées. Elle me surveillait tout comme je l'observais toujours au loin pour m'assurer qu'elle ne se trouvait pas dans une impasse et qu'elle n'avait pas besoin de moi.
« Je ne sais pas si j'aurai assez de force pour déplacer ma tanière, il faudra qu'une combattante aussi forte qu'un ours vienne m'aider. Tu en connaitrais une ? »
Le petit sourire aux coins des lèvres pour lui signifier que je plaisantais, bien sûr que je ne pouvais pas déplacer ma tanière toute entière, elle devrait venir avec moi jusqu'à la mienne pour que j'ai les plantes qu'il me fallait à disposition. Elle le méritait, donc j'allais continuer à m'occuper d'elle dés qu'elle en aurait le besoin. Je lui donnais un petit coup d'épaule pour lui intimer que j'étais avec elle avant d'ajouter :
« Ne t'inquiètes pas, il trouvera du temps pour être avec toi, sinon je m'occuperai de son cas ! A grands coups de lavande dans la truffe ! »
Je m'esclaffais à gorge déployée après avoir balancé ma bêtise, moi, frapper avec une tige de lavande ? C'était hilarant au point de manquer de me faire pleurer. La suite me ramena à la réalité et je redevins sérieuse, il s'agissait de parler de Drakk et dans ces cas là je devenais on ne peut plus concentrée.
« En vérité il est maltraité par sa famille. Je veux le sauver comme tu m'as sauvé lorsque je me suis retrouvée seule. Il fait parti du Blizzard mais je pense qu'il souhaiterait partir. Peut-être Sélène l'accepterait-elle ? Nous avons toujours besoin de guérisseurs dans une meute... »
Je fis une légère pause et j'ajoutais avec un sourire calme et détendue, comme atteint d'une quiétude incroyable.
« J'étais à la recherche de plantes pour compléter ma collection et je l'ai vu alors que je me trouvais non loin de leurs frontières. J'ai tout de suite su qu'il avait quelque chose de différent. Si tu le voyais tu comprendrais. »
Je la regardais pour la première fois de cette manière depuis ta mort. Un regard emprunt d'assurance et de fierté. Elle ne me connaissait que très peu avec cette expression. J'espérais sincèrement qu'elle comprendrait.
J'avais rencontré Suzuki quand j'étais petite. Elle m'avait tout de suite prise sous son aile. Elle et moi, ça avait fonctionné directement, malgré notre petite différence d'âge. Je n'avais jamais ressenti cette différence quand j'étais avec elle. Avec mon tempérament de feu, elle était aussi celle qui savait me calmer. Quand j'étais avec mon frère, et même avant avec Cekan, j'avais cette adrénaline qui coulait dans mes veines. J'avais envie de me dépenser, parfois de me battre, juste pour le plaisir. Je n'avais jamais ressenti ça avec ma meilleure amie. J'étais tout de suite apaisée quand je la voyais. On pouvait parler librement l'une avec l'autre, et surtout de tout et sans jugement de l'autre. Je savais que je pouvais me confier à elle, comme elle savait qu'elle pouvait le faire avec moi.
"Je pense que ça devrait pouvoir se trouver. Il faudrait juste qu'elle soit disponible ce jour là, mais je m'arrangerai avec elle, t'en fais pas."
L'ambiance était légère, entrecoupée de nos petites plaisanteries. Et je sentais que ça nous faisait du bien à toutes les deux. On avait besoin de ces moments où on se retrouvait toutes les deux et où on retrouvait cette complicité qu'on avait construite depuis l'enfance.
"J'ai hâte de voir ça tiens ! Tu vas le faire éternuer avec ta lavande."
Mon rire accompagna aussitôt le sien. Suzuki contre Cekan, quel tableau ! Rien que de l'imaginer, j'en riais sans m'arrêter. Puis, après avoir retrouvé notre sérieux, elle me parla de ce fameux loup qu'elle avait rencontré. Je sentais qu'elle avait besoin de se confier sur ce sujet, et peut-être qu'elle attendrait mon avis. Alors je l'écoutais avec attention, sans l'interrompre.
"Je n'ai pas entendu que du bien du Blizzard, et certainement pas de leur chef de meute. Mais de la maltraitance familiale... Brr, j'en ai le poil qui se hérisse ! Pour ce qui est de Sélène, je pense qu'en lui expliquant la situation, elle pourrait accepter. Elle est la première à avoir recueilli une panthère. Alors un loup maltraité par les siens, et un guérisseur qui plus est. Je t'aiderai à la convaincre en tout cas."
Elle me raconta ensuite leur rencontre et un sourire étira mes babines. Elle avait su qu'il était différent en le voyant. Ma petite Suzuki, tu es en train de tomber amoureuse.
"Tu as su voir en lui des choses que d'autres ne verront probablement jamais. Ca m'est déjà arrivé aussi. Si ça se passe bien entre vous en dehors de vos meutes, je ferais en sorte que vous puissiez être réunis, sois en sûre. Dis moi ce que tu attends de moi, et je le ferais pour toi."
Mon cœur se gonfla d'émotions quand je vis l'expression qu'elle arborait. Je ne l'avais pas vu comme ça depuis longtemps. Depuis la mort de sa mère. Ma tête vint alors s'enfouir dans son cou. Qu'est-ce que j'aimais cette louve...
Tu me disais souvent de croire en mon destin, de croire que je pouvais réaliser tout ce que je souhaitais, que j'arriverai à tout faire si je le voulais. Puis, tu es partie, faisant s'effondrer ce monde que je tentais, tant bien que mal de construire. Tu as fait s'écrouler le peu de stabilité que j'avais réussi à me réaliser. Ton absence est bien plus dure à supporter que n'importe quelle douleur même si plus le temps passe et plus je commence à te comprendre. Je sais pourquoi tu n'as pas pu te résoudre à l'abandonner, pourquoi tu n'as pas pu fermer les yeux malgré le fait que tu avais une famille complète qui t'attendait, malgré le fait que je te regardais avec le plus triste des regards.
Implorant pour que cet abandon ne soit pas pour moi.
Mais tu l'as tout de même fait, tu es partie en laissant ce vide derrière toi, n'imaginant pas une seule seconde la souffrance que j'allais ressentir. Tu ne pouvais imaginer cela, tu étais beaucoup trop concentrée sur ce que ton instinct, ton cœur et ton âme te hurlaient de faire à cet instant précis. Un instant et je sors de mon apnée pour revenir à la réalité.
« Je tâcherai de prendre rendez-vous, son emploi du temps doit être chargée, une si grande guerrière doit être particulièrement occupée. »
Je trépignais sur place, manquant de lui rentrer dedans, un léger coup de museau dans son épaule l'interpela et je voulais lui faire comprendre que je parlais d'elle tout en prenant un air faussement dramatique. Je faisais semblant de tomber et je me redressais en montrant les crocs d'un air totalement ridicule pour faire semblant d'être "dangereuse".
« Attention ! C'est que je peux être violente avec ma lavande, tu n'as pas idée de quel genre de monstre se cache à l'intérieur de ta meilleure amie ! »
Un regard emprunt de défi se dessina sur mon visage alors qu'elle semblait me prendre à la légère, elle doutait de moi alors j'allais devoir lui prouver qu'elle avait tord et quoi de mieux que de lui montrer que j'étais prête à tout pour arriver à mes fins ! Je sais être persuasive lorsque j'ai envie de faire quelque chose même si c'est interdit.
« Il n'est pas le seul à avoir souffert, son frère et sa mère sont dans le même cas. J'espère sincèrement que ce que tu dis est vrai, j'aimerai pouvoir leur offrir un endroit où vivre sans avoir à craindre de se faire battre à tout instant. Il m'a déjà accompagné plusieurs fois lors de nos rencontres, nous avons cherché des plantes tous les deux. Je suis sûre qu'il te plairait. »
J'avais pris un air et un ton sérieux car le sujet était bien plus important que tous les autres. S'il devait être ma raison de vivre pour qu'il puisse en avoir une meilleure alors je ferai en sorte que ça soit le cas et ce peu importe ce qu'il m'en coûterait. J'étais certaine de ce que je devais faire, je n'allais pas abandonner maintenant que j'avais une chance de me montrer digne de ton enseignement.
« Tu es la meilleure, merci beaucoup de toujours faire en sorte de me comprendre. C'est vraiment important pour moi de pouvoir t'avoir à mes côtés. »
Je frottais ma tête contre elle et je m'arrêtais dans un mouvement, ma tête calée contre son épaule et les larmes qui coulèrent, entre-coupées par des sanglots étouffés. C'était si dur de se battre et de ne rien pouvoir montrer. Elle était cette épaule sur laquelle je pouvais me reposer donc je savais que je pouvais me lâcher à ses côtés.
La perte de sa mère avait été une épreuve difficile. J'avais tout fait pour être présente au maximum à ses côtés mais je ne pouvais pas remplacer cette louve. Je ne le pourrais jamais mais je pouvais faire tout mon possible pour combler ce vide laissé par sa disparition. Il en était de mon devoir de meilleure amie. Je ne la laisserai jamais tomber.
"Oui, c'est possible. Elle est très demandée."
Nos petits jeux de louveteaux continuaient alors même que nous étions deux adultes. Ces taquineries, fausses bouderies et faux grognements, on les connaissait par cœur et on savait les reconnaitre. C'était notre manière à nous de décompresser entre deux périodes de stress. Et ça faisait du bien. Pour continuer dans son jeu, je pris un air effrayé et reculai d'un pas.
"Arrière vilain démon ! Ne m'approche pas avec ta plante maléfique !"
Son air de défi me surprit légèrement. Je la savais tenace et persuasive, mais peut-être pas au point d'aller "défier" un grand Combattant comme Cekan. Et pourtant, quand je voyais cette lueur dans son regard, je savais très bien qu'elle en serait capable. Qu'elle me défendrait au péril de sa vie et contre nimporte quel ennemi. Et qu'elle serait la première à aller voir Cekan s'il faisait quelque chose qui me blesserait. Ce dont je doutais. Mais allez savoir ce que l'avenir nous réserve...
"C'est une bien sinistre situation que tu me décris là... Une famille entière qui souffre. Tu as raison, si nous pouvons leur venir en aide, nous devons faire tout ce que nous pouvons. Je serai ravie de le rencontrer. S'il te rend à ce point heureuse, ce doit être un loup bien."
Le sérieux était de retour dans notre conversation et le sujet était aussi grave que merveilleux pour elle. Suzuki avait rencontré un loup qu'elle semblait beaucoup aimer mais il souffrait dans sa meute. Conclusion, il fallait qu'ils soient tous les deux réunis.
"Et c'est aussi important pour moi d'être là pour toi. Je le serais toujours. Tant que tu auras besoin de moi, je ne serais jamais loin. Tu peux compter sur moi."
Je lui rendis son câlin et ne bougeai plus quand elle s'arrêta contre mon épaule. Je sentis ses larmes couler contre ma fourrure et entendis ses sanglots étouffés dans mon épaule. Ca me brisait le cœur de la voir comme ça. Je posai ma tête bien contre la sienne et lui parlai avec une voix douce et basse.
"Je suis là, ça va aller, je te le promets..."
Suzuki n'était pas du genre à montrer ses sentiments. Elle était comme moi. Elle gardait une carapace toujours joyeuse, toujours là pour aider les autres. Elle disait toujours qu'elle ne pouvait pas se permettre de faillir devant les autres. Mais devant moi, elle le faisait. Comme moi je savais que je pouvais baisser mon masque de dure à cuire devant elle.
Je vois tes yeux dans le reflet de l'eau de ma très chère cascade, je vois ton regard parmi les étoiles qui illuminent le ciel à la nuit tombée mais surtout je vois ton visage à chaque fois que je ferme les yeux et que je me mets à chanter. Ton souvenir est tellement une bénédiction et une malédiction à la fois mais je me sens chanceuse de pouvoir compter sur ma mémoire. Je n'arrive pas à imaginer mon monde sans ta présence alors sans avoir connu ta face me rendrait malade. Je comprends ceux qui perdent la vue du jour au lendemain et en même temps je les plains, la douleur doit être encore plus vive de ne pas pouvoir se rappeler d'un visage familier ou de ne pas pouvoir lui dire au revoir avant qu'il ne disparaisse.
Nous avions tellement rigolé que je sentais déjà que je me détendais et que la pression retombait. J'apprécie vraiment ces moments passés en sa compagnie, ils sont plus rafraichissant que tous les autres. Mon regard s'assombrit de nouveau alors que je repensais aux souffrances que Drakk avait enduré, il méritait tellement une vie tranquille et apaisée loin de tous ces êtres néfastes qu'il côtoyait sans cesse. Quand je pense qu'il s'est sacrifié toute sa vie pour sa famille et que c'est une autre partie de celle-ci qui a tout fait pour le briser, cela me rend anxieuse. Saurais-je lui faire oublier toutes ces années de souffrance... ?
Les paroles de ma meilleure amie me redonnaient du courage mais je savais que les doutes n'étaient jamais très loin et la peur de perdre à nouveau un être cher me rongeait de l'intérieur. Il faudrait les récupérer les plus vite possible, je ne supporterai pas de le perdre.
« J'ai tellement peur qu'il ne soit pas là à notre prochaine rencontre à chaque fois que je le quitte... Je n'ai pas envie de revivre ça... »
Les larmes coulaient sur le pelage de Shime et à mesure que les secondes passaient je commençais à me calmer. Les épreuves ne faisaient que commencer et je ferai tout pour qu'il soit à mes côtés le plus tôt possible. Je me battrais pour que tout devienne réalité.
« J'ai besoin de vous deux pour vivre... »
Ces mots m'avaient échappé, comme un murmure ou peut-être un appel à l'aide... Qui sait ?
Je n'avais jamais perdu un être cher et j'espérais que ça ne m'arrive pas de sitôt. J'avais vu le désespoir qui rongeait ma meilleure amie depuis la perte de sa mère et c'était quelque chose de vraiment affreux. Je l'avais soutenu comme je le pouvais mais, parfois, sa peine m'atteignait et je perdais cette motivation qui me caractérisait alors même que cette peine n'était pas la mienne. Je n'imaginais dans quel état je serais si je perdais l'un de mes proches.
Nos retrouvailles post entrainement avaient ce petit goût doux après le piment d'un combat. Avec elle, je pouvais me laisser un peu plus aller et me détendre. J'étais dans la tanière de la Guérisseuse après tout, donc on pouvait dire qu'elle guérissait tous les maux, même mentaux. Mais notre petit moment de détente ne dura pas et le tableau s'assombrit quand elle me parla de sa rencontre. Un loup maltraité, et qui plus est, lui faisait du bien quand ils passaient du temps ensemble ? Non, je ne pouvais décemment pas le laisser à son triste sort.
Suzuki avait l'air prête à tout pour l'aider. Je voyais toute la bonté de ma meilleure amie, déterminée à sauver un loup qui n'était même pas de notre meute. Je me disais parfois que son cœur était bien trop pur pour ce monde. Et c'était aussi pour cette raison que je me devais d'être toujours là pour la protéger. J'assurai ses arrières là où elle pansait mes plaies.
"Je sais, ma belle, je sais... On va faire au plus vite d'accord ? Si tu préfères, je vais parler à notre meneuse toute seule pendant que tu vas le récupérer et je vous rejoins après ? Ou alors on y va ensemble. Dis moi ce que tu veux que je fasse, je suis prête à tout pour faire disparaitre ces larmes de tes yeux..."
Je n'aimais pas la voir ainsi. Ca me brisait le cœur de la voir aussi inquiète et anxieuse. Je ne voulais plus qu'elle souffre, elle avait déjà trop subi dans sa vie. Je voulais qu'elle soit heureuse. Son murmure en appela un autre. Le mien. Comme si nos paroles étaient fragiles.
"Et vous serez bientôt réunis ensemble, je te le promets..."
J'étais prête à tout pour essuyer ses larmes et faire revenir ce magnifique sourire qu'elle arborait il y avait encore quelques minutes.
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